Certains mots ne sont pas innocents. Ils sont les témoins muets, mais combien explicites, de nos comportements et modes de vie. Procrastination est un de ces mots-là. Bien des entrepreneurs s’y sont un jour frottés.
Sommaire
Procrastiner : art ou tare ?
La procrastination nous guette tous. Cette envie irrépressible de reporter une tâche à demain, de remettre à plus tard ce qui pourrait être fait au moment même.
Selon Wikipedia, le procrastinateur ou « retardataire chronique », n’arrive pas à se « mettre au travail », surtout lorsque cela ne lui procure pas de satisfaction immédiate. Nous voici déjà dans le vif du sujet, puisqu’en un raccourci rapide nous lions procrastination et paresse ou mauvaise gestion du temps. Pourtant, elle est loin d’être toujours négative. Elle est même parfois perçue comme l’art de gérer intelligemment les délais, voire l’art de ralentir notre rythme infernal.
Au temps des Grecs et des Romains, la procrastination était respectée. Elle constituait même l’activité majeure des sages (qui pouvaient rester assis à réfléchir toute la journée, sans rien faire « d’utile »).
Mise sous pression positive
Aujourd’hui, dans le monde du travail, attendre le dernier moment, travailler dans l’urgence est devenu une habitude. Certains métiers semblent même avoir besoin de cette poussée d’adrénaline que crée le stress de l’urgence pour être efficace. Qui ne connaît les « charrettes » des créatifs et des architectes ? Ou les articles livrés in extremis par des journalistes speedés? Tant que l’on respecte les délais et que les objectifs sont atteints, où est le problème ?
D’aucuns affirment même que, contrairement aux idées reçues, remettre à plus tard nous rendrait plus heureux.
Procrastiner nous rendrait plus productif, plus créatif, nous permettrait de prendre de meilleures décisions, de trier les choses à faire et de mieux connaître ce que nous aimons faire.
« Si vous êtes une personne productive, l’envie de reporter une tâche peut vouloir dire que la tâche n’est pas importante ou intéressante pour vous. Faites attention à cela et demandez-vous si vous devriez réellement la faire. »
Attentisme, indécision & conséquences négatives
Il faut toutefois distinguer cette mise sous pression de la procrastination maladive. Considérée comme pathologie, elle montre alors un visage beaucoup moins avenant et flatteur. Elle devient nocive dès lors qu’elle freine l’action et empêche toute décision. Dès lors qu’elle engendre peur, anxiété, paralysie …
Elle devient le symptôme d’une vraie souffrance et rend compte d’un mal plus profond dont il faudra chercher la cause. C’est alors une forme de protection contre des tâches jugées désagréables. Qui, dans les cas extrêmes, peut conduire à la dépression, voire au burnout.
Devenez un procrastinateur structuré
À contre-courant de la frénésie de productivité ambiante, le philosophe américain John Perry s’adresse à ceux qui aiment paresser, ajourner, différer, décaler … Au fil de de son livre « La procrastination. L’art de reporter au lendemain« , il bâtit un plaidoyer en faveur de la procrastination structurée.
Selon lui, le procrastinateur doit apprendre à tirer le meilleur parti de son « don naturel », et accepter toutes les tâches qui se présentent à lui avec enthousiasme. Il ne les mènera pas toutes à bien et pas forcément dans le bon ordre, mais cela lui donnera souffle et créativité.
Son essai livre des considérations inattendues sur l’art d’ignorer certains mails, le bon usage des to-do lists, l’avantage de laisser son bureau en pagaille pour que les idées naissent du désordre…
« J’aime que les projets sur lesquels je suis en train de travailler s’étalent devant moi, sur une surface plane, d’où ils pourront m’interpeller et me faire signe. Si je range des documents dans une chemise, ils disparaissent à tout jamais »
4 conseils anti-procrastination
Parmi les nombreux articles, livres et sites consacrés au sujet (près de 4 millions d’entrées sur Google tout de même …) j’épinglerai 4 conseils qu’il me semble judicieux de tester.
- Évitez les distractions
Pour consacrer toute votre énergie à une tâche particulière, évitez de consulter vos mails ou les réseaux sociaux, de répondre au téléphone ou toute autre sollicitation externe. Alternez les périodes de connexion et de déconnexion pour une concentration et une efficacité optimum. - Adoptez la technique du saucisson
Lorsque vous établissez une liste de choses à faire (la fameuse « to do »!), l’essentiel est de diviser chaque projet important en un nombre de tâches plus « digestes » (ainsi vous vous verrez avancer). Il est également primordial de classer ces tâches par ordre d’importance et de choisir habilement les tâches que vous mettrez en haut de votre liste. - Apprivoisez le temps
La pression ambiante nous pousse à agir toujours plus vite, quitte à prendre des décisions pas toujours réfléchies, ni abouties. Retrouver la maîtrise de son temps est vital.
Vous avez, comme tant d’autres entrepreneurs, le nez dans le guidon ? Stop ! Prenez le temps de réfléchir, d’analyser la situation avant de vous jeter dans la bataille. - Entourez-vous de gens motivés
Avez-vous déjà remarqué à quel point vous finissez par tourner en rond lorsque vous travaillez longtemps seul sur un projet ? À quel point prendre toutes les décisions tout seul finit par engendrer doute et hésitations.
Notre réflexion se nourrit des échanges avec les autres, elle s’enrichit d’éléments parfois inattendus qui peuvent vous faire progresser ou rebondir. Ne vous en privez pas !
Pour aller plus loin
Un test
êtes-vous adepte de la procrastination ?
Deux livres
- La procrastination
- Wait: The Useful Art of Procrastination
Bonjour Christiane,
Merci beaucoup pour cet article.
Je trouve personnellement que la procrastination vient beaucoup du fait que l’on souhaite faire trop de choses à la fois. Avec cette nouvelle mode d’être multi-taches, nous finissons par ne rien faire du tout.
La procrastination intelligente nous permet comme vous le dites de nous rendre compte de l’importance de certaines tâches. C’est en effet un ressenti très utiles, mais je pense qu’il est important de mettre l’accent sur l’importance réelle des tâches (ex : Faire du sport 1 à 3 fois par semaine m’ennuie, je procrastine, mais cela a un effet non négligeable sur le long terme).
Pour compléter votre technique du saucisson, je pense qu’il est important de définir une date butoir pour l’exécution de chaque morceau. Ceci afin de respecter la loi de Parkinson qui dit : Une tâche aura tendance à se complexifier pour occuper tout le temps que vous lui consacrez. Donc si nous savons que nous pouvons le faire en 1h et que nous en avons 3, nous aurons tendance à mal utiliser les 2 premières heures.
Merci encore,
K.
Bonjour,
Le multi-tasking est bien un aspect du problème. Nous vivons à l’ère du « trop »: de choix, d’envies, de tâches … et nous finissons par saturer et nous laisser déborder. Et la procrastination est l’une des manifestations de ce trop-plein.
La « technique du saucisson » est bien sûr une manière simple et imagée d’aborder un projet complexe.
Mais vous avez raison de souligner qu’il y manque deux dimensions : le poids de chaque tâche et le temps pour la réaliser.
Il est clair que dans un environnement business, on aura intérêt à faire appel à des outils comme un retroplanning ou un Gantt chart pour structurer et suivre l’évolution du projet complexe.
Faute de quoi, on risque fort de passer beaucoup de temps sur des tâches non essentielles.
Cordialement, Christiane