Les marques ont investi les réseaux sociaux en masse, espérant s’y (re)faire une humanité, y gagner en notoriété mais aussi y vendre leurs produits et services. Le Social Shopping est un concept qui fait son chemin depuis quelques années déjà. Pour autant, est-il vraiment rentable et durable ?

Qu’est-ce que le shopping social ?

Stricto sensu, le shopping social évoque la combinaison des médias sociaux et du commerce électronique. En gros, ce concept utilise tous les éléments du web social – amis, communautés, partages, commentaires, discussions – et les canalise sur l’activité favorite des consommateurs : le shopping.

Mais quel que soit le nom qu’on lui attribue – social commerce, s-commerce ou social shopping – il s’agit avant tout de vendre en tirant profit des interactions entre individus. Enjeu stratégique tant pour les marques que pour les plateformes d’e-commerce et les réseaux sociaux.

Jadis déconnectés de la vente directe, les réseaux sociaux ont progressivement intégrés des boutons « acheter » (qui renvoyaient vers un site e-commerce),  puis des dispositifs plus complexes pour acheter sans quitter la plateforme sociale.  En réponse, les sites d’e-commerce ont intégrés des fonctionnalités de partage, d’évaluation et de recommandation pour faciliter les interactions entre acheteurs.

La particularité du social shopping réside donc avant tout dans sa capacité à susciter et valoriser les interactions entre acheteurs.  Car, si l’e-commerce est pratique et rapide, le fait que le client soit seul devant son ordinateur ou son appareil mobile escamote le plaisir de faire du shopping avec des amis ou de partager ses envies et ses coups de coeur.

social shopping

Aujourd’hui, en Europe surtout, le commerce social est encore une démarche pionnière, développée en test & learn par une poignée d’annonceurs et de marques s’adressant essentiellement à une cible jeune.

Mais n’oublions pas que la dimension sociale du commerce n’est pas réservée aux réseaux sociaux. En effet, tisser et entretenir du lien social pour déclencher l’achat, est une problématique qui touche tous les types du commerce. Et les géants de l’e-commerce l’ont bien compris puisqu’ils s’efforcent d’ajouter une couche sociale à leur expérience d’achat (à l’instar d’Amazon Spark). De même, le social shopping s’invite dans les magasins physiques en pleine mutation : eux aussi réinventent les interactions sociales à travers divers dispositifs technologiques in-store (comme les cabines d’essayage avec selfie ou les étiquettes connectées).

Les atouts du shopping social

Avant tout, remettons les choses en perspective : 90% de toutes les ventes au détail se font toujours dans des magasins traditionnels ou des pop-up stores. Et le s-commerce ne représente à ce que jour que 2% des revenus des marques. Pour autant, ce n’est pas une raison pour se désintéresser du shopping en ligne, social ou non. Car celui-ci aide à développer toutes les ventes, y compris celles offline.

De plus, les comportements d’achat évoluent très rapidement et 45% des 18 – 35 ans aimeraient pouvoir faire leurs achats directement sur des plateformes sociales comme Facebook, Instagram ou Pinterest.

Pourquoi ? Parce que le shopping social place la recommandation et le partage au cœur du processus d’achat. Et il se distingue ainsi de la vente traditionnelle ou de l’e-commerce par l’entrée en scène d’autres acteurs : les influenceurs et les autres shoppeurs. C’est le bouche-à-oreille moderne plébiscité sur tous les réseaux sociaux, les sites de notation, les comparateurs, les forums, etc.

social shopping

Le social shopping s’appuie aussi sur diverses techniques pour inspirer les consommateurs avec des contenus hyper-personnalisés. Et le ciblage très précis de médias comme Facebook offre aux marques la possibilité de varier leurs contenus en fonction de critères géographiques, socio-démographiques ou d’intérêts.

social shopping

Mais c’est avant tout l’interaction des membres d’une communauté qui est le principal atout du shopping social :  chacun peut y partager ses expériences, recevoir des suggestions, se tenir au courant des nouvelles tendances ou découvrir de nouveaux produits. Et même si les « amis » ne sont pas physiquement présents, il est possible de les impliquer dans son expérience shopping.

Selon Forbes, près de 25 % des marques vendent par l’intermédiaire de Facebook et 40 % utilisent les médias sociaux dans leur ensemble pour générer des ventes. Non seulement les médias sociaux influencent ce que les gens achètent par le biais de recommandations (23 %), mais 30 % des consommateurs disent qu’ils feraient des achats par le biais de Pinterest, Instagram, Twitter ou Snapchat. (Softonic)

Enfin, les plateformes socialesrassemblent différents types de produits en un seul endroit. Plus besoin de sauter d’un site à l’autre à la recherche d’un objet difficile à trouver. Avec le shopping social, les comparaisons, les avis clients sont à portée de clic, tout comme la possibilité de partager ses coups de cœur. Et en plus, c’est fun !

Les freins à l’adoption du s-commerce

Tout n’est pourtant pas rose au pays du s-commerce. Selon un rapport de Sumo Heavy Industries, même si les médias sociaux jouent un rôle énorme dans la recherche de produits, de nombreux utilisateurs hésitent encore à conclure leur achat via les plateformes sociales.

  • Certains s’inquiètent du fait que la sécurité des transactions n’est pas aussi solide que sur un site e-commerce traditionnel et de nombreux consommateurs s’inquiètent pour leur vie privée.  Il est vrai que certains réseaux sociaux ont acquis la (mauvaise) réputation d’être une plaque tournante pour des activités douteuses. Les vagues de  » fake news » et les stratagèmes visant à gonfler le nombre de fans de certaines marques ou célébrités, ont attiré l’attention sur les abus potentiels dont pouvaient être victimes les médias sociaux.
  • Le manque de fiabilité des transactions ainsi que la complexité de certaines transactions, principalement via un terminal mobile, est un autre frein.
  • Enfin, le consommateur européen moyen aura sans doute encore besoin d’être « éduqué » et rassuré avant de changer ses habitudes numériques.

L’avenir du shopping social

Malgré les défis associés au shopping social, l’avenir est plutôt prometteur. En effet, les statistiques indiquent que 74 % des consommateurs se tournent vers les médias sociaux pour recueillir de l’information avant de faire des achats. Et si les utilisateurs comptent déjà sur ces plateformes pour les aider à prendre des décisions d’achat éclairées, la vente directe sur les réseaux sociaux semble être une évolution logique. C’est en tout cas ce que l’on constate dans des marchés plus avancés, comme la Chine, où le shopping social représente déjà 30 % de toutes les ventes en ligne.

A noter que dans les marchés où le social shopping a déjà décollé, on constate que

  • la base d’utilisateurs a tendance à être plus jeune, et donc plus technophile
  • il y a moins de fragmentation dans le traitement des paiements en ligne, ce qui permet des intégrations beaucoup plus faciles (l’uniformité facilite l’utilisation)

Les mécanismes psychologiques du shopping social

Mais revenons aux fondamentaux ! J’ai lu avec intérêt un article de Social Commerce Today qui analyse les mécanismes psychologiques du shopping social. Celui-ci fait appel, on s’en doute, à l’apprentissage social (qui fait que nous tirons profit des connaissances et de l’expérience de personnes que nous connaissons ou auxquelles nous faisons confiance). Mais il exploite aussi habilement notre propension au « thin-slicing » (ou écrémage) càd notre tendance naturelle à ne retenir que quelques faits saillants dans la masse d’informations qui nous est proposée en permanence.

Le social shopping repose enfin sur une série de règles mentales universelles que nous utilisons pour traiter l’information et prendre des décisions.

  1. La preuve sociale
    Pour réduire l’incertitude, nous nous tournons vers les autres et nous nous inspirons d’eux. Et lorsqu’un produit se démarque ou est particulièrement populaire, nous le percevons instinctivement comme la preuve qu’il s’agit là du meilleur choix.
    Application marketing classique : associer une marque à la 1ère position à travers des listes : ‘meilleures ventes’, ‘leader du marché’, ‘choix numéro 1’ ou ‘croissance la plus rapide’.
    Appliqué au shopping social : tous les types de listes : wish-lists, « les plus populaires » « les plus commentés » ou encore les outils de partage d’expérience, de photos de produit en application, les revues, etc.
  2. L’autorité
    Nous avons naturellement tendance à suivre les conclusions d’un expert ou d’une autorité. Grâce à leurs connaissances, leur expérience et leur expertise, ils nous font gagner du temps.
    Application marketing classique : « 4 médecins sur 5 recommandent » tel ou tel produit …
    Appliqué au shopping social : tous les outils qui utilisent l’autorité pour stimuler l’achat : les programmes de recommandations, les revues par des influenceurs, les forums, etc.
  3. La pénurie
    Nous valorisons les ressources rares ; nous leur accordons instinctivement plus de valeurs.
    Application marketing classique : accès limité, offres limitées, disponibilité limitée, éditions limitées, offres urgentes.
    Appliqué au shopping social : les répertoires de bonnes affaires, les sites de  vente exclusive, vente privée mais aussi les offres exclusives réservées aux membres.
  4. L’empathie
    Nous avons naturellement tendance à imiter et être d’accord avec ceux que nous aimons, admirons ou trouvons inspirants. Ces likes créent des liens sociaux et de confiance, ils font partie de la gestion de notre image et de notre identité par association.
    Application marketing classique : le marketing de réseau (soirées Tupperware), les images d’utilisateurs sympas, les success stories.
    Appliqué au shopping social : tous les outils qui utilisent les likes pour stimuler une décision d’achat (« demandez à votre réseau ») ou les outils de partage de bonnes affaires, d’expériences de shopping (événements privés ou lancements de produits), etc.
  5. La cohérence
    En cas d’incertitude, nous optons pour ce qui correspond le mieux à nos convictions ou comportements habituels. Ceci est particulièrement vrai pour les engagements publics ou citoyens.
    Application marketing classique : les publicités « lifestyle » , les « mood boards » ou les pétitions qui associe des produits ou des idées à un style de vie, mais aussi les essais ou abonnements gratuits (qui permettent de tester avant d’acheter).
    Appliqué au shopping social : les outils de validation par les pairs, l’intelligence artificielle (pour tester un produit avant d’acheter), l’engagement vis-à-vis d’une marque, d’un mouvement, …
  6. La réciprocité
    La réciprocité est le ciment social qui rend possible la coopération, les relations, la communauté et la société. Notre inclinaison naturelle nous pousse à rendre les faveurs que nous recevons.
    Application marketingclassique : les échantillons, le marketing causal et le parrainage. Certaines techniques de porte-à-porte
    Appliqué au shopping social : les programmes de parrainage, les « offres à un ami », etc.

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Quelques exemples de social shopping

Pour transformer les médias sociaux en canal de vente, il suffit d’ajouter un bouton « acheter ». C’est ce qu’on fait les principaux réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, Instagram ou Pinterest. Ce bouton qui sert d’appel à l’action renvoie vers le site e-commerce de la marque pour conclure la vente. Mais pour devenir rentable, il faut aller bien plus loin ! C’est ce que certaines plateformes testent afin d’accélérer la vente et éviter d’envoyer l’internaute ailleurs.

Instagram : bouton d’achat et (bientôt) paiement natif

En 2017, Instagram intègre la fonction de shopping et ouvre la possibilité à des milliers de marques de vendre directement sur la plateforme.

Depuis 2018, les marques peuvent tagger des produits dans leurs posts et créer des expériences immersives pour les consommateurs. Instagram permet ainsi de taguer 5 produits par image et ainsi mettre en scène des produits. L’achat se fait en quelques clics. Les images qui sont « shoppables » contiennent des liens et incluent une icône de panier d’achat qui apparaît dans le coin supérieur droit du profil.

Aujourd’hui, avec l’ajout de la fonction de paiement natif, Instagram va plus loin encore, puisqu’il permet aux internautes d’acheter des produits sans même quitter la plateforme.

« Les stories publiées sur le compte Instagram du Slip Français génèrent chaque semaine 20 000 impressions pour environ 2 500 clics vers notre site d’e-commerce, preuve d’un réel intérêt pour ces formats divertissants et désormais cliquables. » (emarketing.fr)

Certaines de ces fonctionnalités ne sont actuellement disponibles que dans quelques pays mais cela laisse présager un changement significatif dans l’expérience de shopping social.

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A lire : Comment configurer la fonctionnalité Shopping sur Instagram

Pinterest : « Shop The Look »

Avec 100 milliards d’épingles enregistrées et 200 millions d’utilisateurs actifs, on comprend que Pinterest ait cherché à valoriser son pouvoir de vente.

Lancée en mars 2018, la fonctionnalité Shop the Look de Pinterest permet d’acheter en quelques clics les différents produits d’une épingle. L’expérience se veut fluide et simple. Les épingles Shop the Look présentent des points blancs qui désignent différents éléments du look.

L’image sert de lien entre le vendeur et l’acheteur. Il suffit de cliquer sur le point blanc présent sur une photo pour obtenir des informations sur un produit (marque, modèle, matière, prix, etc.). Un second clic renvoie vers le site d’e-commerce.

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Amazon Spark

En 2017, Amazon a lancé Spark, un flux d’images postées par les utilisateurs, similaire à Instagram ou Pinterest.

Disponible (pour l’instant) uniquement aux Etats-Unis, Spark permet aux utilisateurs de trouver des sources d’inspiration et d’ajouter des produits à leur panier d’achat. Réservé aux clients d’Amazon Prime, Spark leur permet de poster des photos ou des vidéos et de les commenter ou « smiler ».

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WeChat en Chine

Lancée en 2011, WeChat compte plus d’1 milliard d’utilisateurs actifs par mois. Cette application de messagerie est rapidement devenu un réseau multifonctionnel qui combine, en une seule interface, la plupart des fonctionnalités d’Instagram, WhatsApp, Facebook, Skype et Paypal.

Cette plateforme de s-commerce est d’autant plus efficace qu’elle bénéficie du service de paiement intégré WeChat pay qui permet de payer en ligne ou dans les magasins.

Wechat est parti du constat que, parmi les 6 grandes activités préférées des utilisateurs de Wechat, 3 activités concernent le shopping, la consommation de services quotidiens gratuits ou payants et le paiement mobile on-line et off-line. Ces 3 activités typées “commerciales” sont clairement devenues les leviers stratégiques de l’essor fulgurant de Wechat en Chine et un différenciant puissant par rapport aux autres concurrents dans le monde. (MBAMCI)

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