En information, comme en alimentation, tout est question de mesure et d’équilibre. Or, en ce début de 21ème siècle, la surcharge gagne partout du terrain et vire au cauchemar pour certains. Dès lors, les recettes et propositions de diète se multiplient pour tenter d’endiguer ce handicap, qu’il soit pondéral ou mental. Examinons cela de plus près.

Infobésité : un néologisme, vraiment ?

L’infobésité (ou surcharge informationnelle – en anglais information overload) est un terme relativement récent, dont la paternité est souvent attribuée au canadien David Schenk. Mais est-ce vraiment si nouveau ? Depuis l’époque où l’écriture a permis de préserver des textes, l’histoire est un long processus d’accumulation d’informations. Le spectre de la surcharge informationnelle refait surface à chaque progrès technique dès lors qu’il engendre une nouvelle augmentation de la production d’information.  

  • De l’oral à l’écrit : au 1er s AC Sénèque déplorait déjà «l’abondance de livres et la distraction».  
  • De l’écrit à l’imprimé : au 15e s de Gutenberg, le parallèle est  frappant: les lettrés vivent mal les milliers de livres qui inondent le marché. Trop pour qu’une personne puisse les maîtriser tous.  
  • De l’imprimé au NTIC : aujourd’hui, les nouvelles technologies de l’information exacerbent encore ce sentiment d’envahissement : flot constant et intrusif, stressant, voire anxiogène d’emails,  de messages instantanés, de tweets ou flux permanent des réseaux professionnels et sociaux. 

Cette surcharge informationnelle entraîne stress et désorientation chez de nombreux professionnels. En effet, voici comment ils abordent ce flot constant d’information :

  • 70% de leur temps se passe à chercher des informations
  • 25% à isoler les informations utiles
  • 4% à consulter les documents pertinents
  • 1% à comprendre ce qu’ils ont lu

Les causes de l’infobésité

Il n’est pas inutile de rappeler brièvement quelles sont les causes de cette infobésité. Comprendre est nécessaire si l’on veut se donner les moyens d’endiguer tant soit peu le phénomène.

  • Croissance exponentielle de la quantité d’infos. Selon P. Aron et C. Petit, l’humanité a produit au cours des 30 dernières années plus d’informations qu’en 2000 ans d’histoire et ce volume d’informations double tous les 4 ans. 
  • Omniprésence de la publicité. Il y a 50 ans, une personne voyait en moyenne entre 500 et 1600 publicités par jour (affiches, journaux, TV). Aujourd’hui, avec internet et toutes les applis connectées elle en voit entre 6000 et 10000.   
  • Course à l’attention. Chaque jour, de multiples sollicitations se disputent notre temps d’attention qui se vend à prix d’or auprès des publicitaires. Alors pour l’obtenir, tout est permis (infotainment, fake news, filtres, dark pattern, …).
  • Cerveau inadapté au surf. Notre cerveau n’a pas eu le temps de s’adapter aux NTIC. Et ses failles (biais cognitifs, limites) sont exploitées pour influencer et contrôler notre comportement face aux outils numériques.

Les effets toxiques de l’infobésité

Les effets toxiques de la surcharge informationnelle trouvent leur source dans la convergence de deux phénomènes : l’accroissement constant du volume des informations à traiter et les délais de plus en plus courts pour le traiter.  Et cela se traduit en un nombre d’effets désastreux sur la santé et le bien-être des travailleurs :

  • L’infobésité est source de stress. La charge mentale est d’autant plus importante que le flot d’informations est ininterrompu. L’esprit constamment stimulé est forcé de trier et traiter des masses de données. La fatigue physique et mentale qui en résulte peut conduire au burnout.
  • L’infobésité nuit à la productivité. Face à la masse d’informations, le travailleur peine à déterminer ce qui est prioritaire, urgent, voire même digne d’attention. Difficile également de se concentrer sur sa tâche alors qu’emails, notifications ou messages viennent constamment nous distraire.
  • L’infobésité efface la frontière entre vie pro et vie privée. Les outils de communication portables (PC, tablettes, smartphones) et le télétravail ont pour corrolaire une connexion permanente qui peut engendrer stress et fatigue si elle n’est pas maîtrisée.
  • L’infobésité freine le processus décisionnel. La masse d’informations pas toujours pertinentes peut être un frein à l’action, à la prise de décision.  Selon Sauvajol-Rialland, Professeure à Science Po Paris, la surinformation génère une incapacité cognitive à réutiliser les informations dont on est destinataire. Cette problématique touche aujourd’hui, selon elle, 70% des cadres.
  • L’infobésité étouffe la créativité. Notre curiosité s’éteint à mesure que nous consommons passivement une masse d’informations relayées par les médias et les réseaux sociaux.
  • L’infobésité engendre le FOMO (Fear of Missing Out) chez certains, càd la peur de passer à côté d’une information importante, augmentant encore le stress et l’anxiété.
  • Surinformation et désinformation. L’internet a libéré la parole. Tout le monde peut s’exprimer quand bon lui semble. La qualité de l’information s’en ressent et les fake news prolifèrent. Le manque de temps et de recul induisent souvent en erreur. Manipulation et désinformation ont envahi tous les canaux de communication.

Infobésité et communication d’entreprise

Pour les entreprises, obtenir « la bonne information au bon moment », implique de disposer à tout moment de données correctes et contextualisées. Or, il est de plus en plus compliqué de trouver des informations vraiment pertinentes, dès lors que 80 à 90% des données générées ou collectées par l’entreprise ne sont pas structurées. En France, on estime qu’un employé passe en moyenne 7h30 par semaine à rechercher une information sans la trouver.

Chaque entreprise participe à l’infobésité

En interne, chaque fonction de l’entreprise génère des données et des informations qu’il faut centraliser, organiser et stocker. Dans ses interactions avec le monde extérieur, chaque entreprise produit de plus en plus de contenu pour se faire connaître de ses futurs clients, pour obtenir plus de visibilité dans le monde digital, pour être mieux référencé par Google, pour augmenter sa notoriété et sa crédibilité.

Cette production de contenu est de plus encouragée par les différents algorithmes (Google, réseaux sociaux, …) qui récompensent le volume et la fréquence de production de contenu. Cette logique conduit donc les entreprises, petites et grandes, à alimenter la spirale infernale de la surcharge informationnelle.

Quelques chiffres pour mieux comprendre :

  • En 2000, il existait 100.000 blogs dans le monde, aujourd’hui on en compte plus de 600 millions.
  • Chaque jour, chaque employé reçoit en moyenne 88 emails et 94 messages (SMS, Whatsapp, etc.).
  • 500 heures de vidéo sont téléchargées sur YouTube chaque minute (source : Statista)

Communiquer moins mais mieux … pas si simple !

L’accès à l’information n’a jamais été aussi rapide et facile. Le stockage des données business dans le cloud permet d’accéder à tout moment et en tout lieu aux informations nécessaires à l’exercice de son métier. Sur le lieu de travail, à domicile ou en vacances, le flux d’information est constant et ininterrompu. Pour autant, la communication est-elle plus efficace ? Rien n’est moins sûr !  

En plus des données générées et gérées directement par les entreprises, Internet est une source inépuisable d’informations. Pourtant, trouver un contenu précis et fiable relève souvent du parcours du combattant. Il existe bien sûr de nombreux outils susceptibles d’améliorer l’efficacité de nos recherches mais ils sont souvent mal maîtrisés ou utilisés sans réelle connaissance ou formation.  

Enfin, pour capter l’attention de ses (futurs) clients, chaque entreprise doit aller vite : 53% des internautes abandonnent une page web qui met plus de 3 secondes à se charger. Alors, pour éviter ce genre d’écueil les entreprises produisent des contenus souvent uniformisés, courts et faciles à consommer. Des contenus sans grande valeur ajoutée que l’on retrouve chez tous les concurrents … Ce qui alimente une fois de plus l’infobésité. 

Comment gérer l’infobésité au sein de l’entreprise ?

Heureusement, une prise de conscience émerge. Il s’agit de changer notre rapport à l’information, ce qui implique de construire un écosystème qui permette à chacun d’obtenir ou relayer les bonnes infos au bon moment.  

Un système de gestion des connaissances bien conçu est l’un des outils les plus efficaces pour éviter la surcharge d’informations. Dans le cas des petites entreprises, pas besoin d’un système trop complexe. Plus le système est facile à utiliser, plus les employés en tireront profit.

  • Collecter, filtrer et hiérarchiser l’information
    Collecter et trier l’information n’est pas seulement stratégique, c’est aussi et surtout un vecteur de performance pour l’entreprise. Mais c’est avant tout un effort collectif auquel chaque employé doit participer. Chacun doit donc trouver intérêt à alimenter le système et à le consulter.
  • Organiser et stocker l’information pertinente
    Rien ne sert de stocker tout et n’importe quoi. Il faut d’abord hiérarchiser et organiser les données de manière à faciliter la recherche et la prise de décision.
  • Centraliser et partager l’information  
    Toutes les informations triées et organisées seront centralisées de manière à les rendre accessibles à tous ceux qui en ont besoin dans l’exercice de leur profession. (via Knowledge Base, Intranet, Wiki, …)  
    Afin d’éviter les silos ou la rétention d’information, il convient de développer dans l’entreprise une véritable culture de l’information (partage de l’information et communication croisée au sein de l’entreprise) 
    Enfin, il faut prévoir des formations continues pour s’assurer que les outils de gestion de l’information soient bien utilisés et intégrés dans les pratiques de l’entreprise.
  • Droit à la déconnexion
    Enfin, la croissance du travail à distance, tel qu’on l’a connu ces dernières années, doit inciter les entreprises à adopter de nouvelles règles collectives pour assurer à chaque employé un accès à distance aux informations qui lui sont utiles mais aussi pour lui garantir le droit à la déconnexion.   

infobesite

Des outils pour gérer l’information au sein de l’entreprise

Intranets, logiciels de partage de fichiers, suites bureautiques, outils de gestion de projet … les solutions collaboratives ne manquent pas. Le type d’outil à mettre en place dépendra bien sûr de la taille de votre entreprise.

Toutefois, plus aucun entreprise, moyenne ou grande, ne peut faire l’impasse sur l’automatisation et la centralisation de la collecte, du stockage et du partage des informations. Utiliser des outils performants offre d’ailleurs de nombreux avantages : gain de temps, meilleure communication en interne et avec l’extérieur, accessibilité de l’information en tout temps et partout, …

Parmi les solutions disponibles sur le marché, voici un échantillon d’outils et logiciels qui répondent à des besoins spécifiques : 

  • Elium  est une solution de gestion des connaissances qui transforme les informations déstructurées en connaissances centralisées et exploitables. Comment ? Chaque travailleur peut transformer en quelques clics les éléments d’un échange par messagerie ou email, en contenu formalisé à l’aide de plus de 200 templates (tableau, FAQ, compte-rendu, veille, etc.). La recherche avancée permet ensuite de trouver rapidement n’importe quelle information, et même de la diffuser par un système de notifications ou de newsletter interne.
  • Jamespot est un réseau social interne qui s’adapte à chaque métier. Cet espace de travail numérique centralise tous les outils et les applications métiers pour en faciliter le partage et l’accès au quotidien.
  • Nexia est une solution de GED (gestion électronique des documents) transverse qui s’adresse à tous les services de l’entreprise. L’outil facilite la circulation et la gestion d’un ensemble de documents dématérialisés (factures, courriers, dossiers RH, etc.), de l’acquisition à l’archivage, en passant par la validation. Avec un moteur de recherche très performant, doté d’une intelligence artificielle.
  • Avec Whaller vous pourrez créer et animer vos propres réseaux sociaux privatifs. Cette plateforme collaborative, qui mise sur la confidentialité et la sécurité des informations partagées, fonctionne par «sphères». Ces espaces de conversations privatifs permettent de distinguer les échanges et les communautés par équipe, groupe de projet, service, etc. Créez une sphère et invitez vos contacts ou bien rejoignez une sphère existante.

3 outils pour gérer les informations marketing

Automatiser les tâches et accélérer les cycles de création, production et diffusion des informations sur tous vos supports (site web, catalogues produit, manuel), tel est le défi des responsables marketing aujourd’hui.  

  • DAM ou Digital Asset Management pour gérer les actifs numériques de l’entreprise. Elles intègrent des outils de gestion des images (photos, vidéos, illustrations, audio) couplés à des outils de gestion des « ressources » càd l’ensemble des fichiers de création ou de transformation graphique, les présentations ou encore tous les contenus utilisés par le marketing.
  • PIM ou Product Information Management pour agréger et distribuer l’information sur les produits, mais aussi en assurer la qualité et l’enrichissement. Bien entendu, il est capital d’entretenir ces bases de données, de les tenir à jour pour mettre à disposition des clients toutes les informations qu’ils peuvent rechercher sur les produits.
  • CRM ou Customer Relationship Management pour optimiser la relation client et centraliser toutes les informations le concernant. Indispensable pour améliorer l’expérience client, interagir au bon moment et offrir un produit ou un service en adéquation avec l’attente du client.  

A lire : ECM, CMS, PIM & DAM : les outils de gestion des contenus de l’entreprise

5 manières de gérer l’infobésité au niveau personnel

Enfin, le problème de la surcharge d’informations n’est pas seulement lié au fonctionnement de l’entreprise. Il dépend également de l’attitude de chaque travailleur. C’est pourquoi, il ne s’agit pas seulement de changer la façon dont l’entreprise gère et distribue l’information, mais aussi d’examiner comment chaque individu aborde les outils qu’il utilise au travail. Voici quelques « quick wins » :

  • Désactiver les alertes
    Chaque fois qu’une notification d’e-mail s’affiche sur votre écran ou que votre téléphone sonne pour vous informer de l’arrivée d’un nouveau message texte, vous êtes distrait. Bien entendu, lorsque vous êtes distrait, vous perdez votre concentration. La solution ? Désactivez vos alertes. Vous aurez ainsi plus de facilité à rester concentré sur la tâche à accomplir.
  • Renoncer au multitâches
    On pourrait penser que si vous travaillez sur plusieurs tâches en même temps, vous serez plus rapide. Et bien non ! Au lieu d’augmenter votre productivité, le multitâche la réduit de 40 % ! Alors, mieux vaut travailler sur une seule tâche à la fois. 
  • Appliquer la règle des deux minutes 
    Si vous avez beaucoup de petites tâches à faire – des tâches qui peuvent être accomplies en moins de deux minutes – regroupez-les et attaquez-vous à elles à la même heure chaque jour.   
  •  » Manger la grenouille  » 
    Cette expression signifie s’attaquer chaque jour en premier à votre tâche la plus redoutée. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles cette méthode est efficace. Cela nous aide à surmonter notre tendance naturelle à la procrastination. Et en effectuant la tâche la plus difficile en début de journée, nous prenons des décisions au moment où nous sommes le plus performant.
  • Limiter la consultation des e-mails 
    Au lieu de consulter votre courrier électronique des dizaines de fois par jour, essayez de ne le faire que trois fois – une fois en arrivant au travail, une autre fois après le déjeuner et une dernière fois juste avant la fin de la journée de travail. Vous verrez, votre productivité montera en flèche !

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Pour aller plus loin

Si le sujet vous intéresse, voici quelques livres pour approfondir les tenants et aboutissants de la gestion de l’information et de la connaissance.