Je me souviens, avec un soupçon de nostalgie, de ma première boîte de cartes de visite. Elle marquait mon entrée dans le monde du management. Quelques décennies plus tard, j’ai devant moi une kyrielle de cartes, témoins de mon évolution professionnelle. Et force est de constater que même à l’heure digitale, ces cartes conservent une place privilégiée dans nos parcours pro. Mais savez-vous d’où elles viennent et ce qu’elles véhiculent vraiment ?
Sommaire
Les cartes de visite existent depuis plusieurs siècles. À tel point que leur échange est devenu un rituel très codé dans certains pays, où le fait de ne pas examiner une carte professionnelle suffisamment longtemps est considéré comme insultant.
Comme pour tout rituel, on ne se demande plus pourquoi on fait ce que l’on fait, ni si c’est utile. Pourtant, une étude fait ressortir que 88% des cartes de visite distribuées sont jetées en moins d’une semaine, et que parmi les 12% conservés, bien peu sont enregistrées dans un système propre à les rendre vraiment utiles et facilement accessibles. Pour autant sommes-nous à la veille d’un changement de paradigme ? Rien n’est moins sûr.
A (re)lire : Votre carte de visite : que révèle-t-elle de votre entreprise ?
Origine : Chine – XVe siècle
La première occurrence des « cartes de visite » a été enregistrée en Chine au 15ème siècle. Les commerçants et les hommes d’affaires fortunés y créèrent les premières cartes d’affaires pour annoncer leur intention de rencontrer une autre personne. Les serviteurs recueillaient les cartes auprès des visiteurs potentiels, et les hommes d’affaires examinaient les cartes du jour pour déterminer qui ils allaient rencontrer.
Europe – XVIIe siècle
En France, sous Louis XIII, tout marchand ayant boutique à Paris avait sa « carte d’adresse » pour que le client se souvienne de lui. L’une des plus anciennes cartes connues date de 1622, celle de « George Marceau, chapelier, à l’enseigne de l’Escharpe Blanche », pont Notre-Dame à Paris.
Par la suite, les cartes de visite (aussi appelées cartes d’appel ou cartes de compliments) gagnent en popularité auprès de l’aristocratie . Souvent très décoratives, ces cartes ne portaient que le nom de la personne. Leur utilisation était régie par un système sophistiqué de règles et d’étiquette.
Laisser sa carte de visite chez un ami était une façon d’exprimer son appréciation pour un dîner, d’offrir ses voeux à un malade ou simplement de dire bonjour. Si le destinataire « n’était pas à la maison », un domestique acceptait la carte et la déposait dans un plateau d’argent dans le hall d’entrée. À l’époque victorienne, un plateau rempli de cartes était comme les médias sociaux, une façon de se montrer et de savoir qui faisait partie de son cercle social étendu. Souvent, les cartes des personnes les plus riches ou les plus influentes étaient affichées en haut de la pile pour impressionner les futurs visiteurs.
Ces cartes étaient si importantes que la position d’une personne dans la société pouvait en dépendre : une carte mal faite pouvait être un désastre pour le porteur, tandis qu’une carte pleine d’esprit et bien conçue pouvait l’aider à gravir les échelons de la vie sociale.
Multiplication à l’ère industrielle – XVIIIe & XIXe siècles
A la fin du XVIIe siècle apparaissent les « cartes commerciales » (trade cards) fort populaires à Londres. Elles s’apparentent à une forme de publicité et sont les ancêtres de la carte de visite professionnelle. Souvent très décorées, les gravures sont réalisées sur bois.
Au milieu du XVIIIe siècle, les grandes familles, de Londres, Vienne ou Berlin, les utilisent à leur tour. Le terme « bristol » apparaît (en référence à la nature du support, un papier épais), associé à un code de savoir-vivre précis.
Tout au long des XVIIIe et XIXe siècles, l’utilisation des cartes de visite et des cartes professionnelles se développe. Ensuite, avec la montée de la classe moyenne et l’émergence de techniques d’impression plus efficaces, cartes de visite et cartes commerciales se multiplient et finissent par fusionner et devenir le précurseur de notre carte moderne.
Les procédés lithographiques évoluant, on voit apparaître des cartes richement décorées et colorées. Leur coût important les réservait toutefois aux industriels ou aux grandes familles. (source : Creagi)
La norme au XXe siècle
Les cartes d’affaires sont devenues la norme pour les toutes les entreprises et leurs cadres dirigeants. L’objet, indispensable prolongement de l’identité professionnelle du porteur, est souvent synonyme de pouvoir et de prestige.
Outil de communication indispensable, la carte de visite professionnelle (business card) comporte de plus en plus d’informations et répond à des règles implicites (lisibilité, sobriété, taille, etc.).
Les business cards sont tellement rentrées dans les mœurs qu’elles s’accompagnent de tout un attirail spécifique, parmi lequel on retrouve le rolodex auquel chaque professionnel attachait grande importance et complétait d’un emploi à l’autre.
Les business cards, aux couleurs des sociétés, permettent de reconnaître une entreprise, au premier coup d’œil. Premier contact avec un employé d’une entreprise, elles véhiculent l’image de l’entreprise. Afin de marquer les esprits, certaines sociétés n’hésitent pas à jouer la créativité, avec des formats et des impressions inédites.
Un rituel qui se renouvelle au XXIe siècle
Aujourd’hui, les cartes de visite jouent toujours un rôle important dans la vie des entreprises qui les considèrent comme un outil marketing essentiel et un excellent moyen de promouvoir leurs services et les membres de leur personnel. Formes, tailles et matières varient à l’infini.
L’apparence des cartes de visite professionnelles est d’autant plus importante qu’elle communique les valeurs de l’entreprise. Quelques exemples : un filigrane en or pour communiquer une impression de luxe ; du papier recyclé pour indiquer le souci de l’environnement ou encore un papier extra épais pour montrer qu’on investit dans le meilleur.
La carte de visite professionnelle est bien plus qu’un ensemble d’informations de contact. C’est sans doute pour cela que les applications numériques ne la remplaceront jamais tout à fait, elles qui servent avant tout des objectifs de performance et de productivité.
Aujourd’hui, l’objet importe autant que son contenu. Il participe à la fois à la stratégie d’image de l’entreprise et à la mise en contexte de l’identité du porteur de la carte.
Objet stratégique de l’identité institutionnelle, la carte de visite est aussi un révélateur particulièrement complexe et subtil de la culture et des valeurs d’une entreprise.
Plus étonnant, les business cards font un carton auprès des millenials. Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui comme hier, elles confèrent une crédibilité, une stature. Et puis surtout, donner une carte de visite est plus rapide que d’épeler son nom, son email ou son numéro de portable et on évite les risques d’erreur.
Et pour ceux qui travaillent à l’international, rappelons que l’échange de cartes de visite est soumis dans certains pays à une étiquette stricte. Au Japon par exemple, cet échange relève d’un véritable rituel. Le meishi koukan (名刺交換) est un élément clé de l’étiquette commerciale japonaise. Une carte se donne et se reçoit à deux mains, elle doit être tournée vers la personne qui reçoit la carte, sans couvrir le nom ou le logo etc.
Ainsi donc, même si l’avènement du digital a engendré de nouveaux formats dématérialisés, le marché des cartes de visite papier est loin d’être moribond. Probablement parce que les créateurs et les imprimeurs ont compris qu’ils devaient jouer la carte de la séduction et se réinventer sans cesse : matière, découpes, fonctionnalités …
Que nous réserve l’avenir ?
Dans un futur rapproché, on verra apparaître des cartes hybrides qui connectent le papier et le digital.
D’ailleurs, chez Moo, la carte de visite+ fait déjà appel à la technologie numérique puisqu’elle intègre une puce NFC qui déclenche une action numérique (par exemple l’ouverture d’un site web ou l’enregistrement automatique des données reprises sur la carte) dès que vous la mettez en contact avec un appareil compatible, c’est-à-dire la majorité des smartphones et tablettes.
En conclusion
Au fond, ce n’est pas tant le bout de papier ou l’appli utilisée qui importe mais bien le lien qui se crée de personne à personne et la valeur qu’on accorde à cette relation. Nul doute dès lors que la tradition de l’échange de cartes de visite persistera sous une forme ou une autre.
Merci pour cet article très complet !