Parfois quelqu’un surgit qui nous sauve de notre personnage, que nous avions fini par confondre avec notre personne. Une telle résurrection demande deux choses – de l’audace, et de l’amour. L’audace est comme le feu qui ne s’embarrasse d’aucune nuance de bois. L’amour est la bienveillance inlassablement maintenue. (Christian Bobin)

Chaque jour les entrepreneurs sont confrontés aux multiples violences du quotidien (verbales ou physiques, nées de situations conflictuelles, de choix inadaptés, de luttes d’influence, de rencontres toxiques, de mauvais traitements, etc.). Toutes sont source de stress et provoquent un mal-être croissant.

Face à de telles situations, trois types de réaction émergent :

  • La première, délétère, consiste à répondre sur le même ton quitte à aggraver la situation,
  • la deuxième, banale, consiste à laisser filer, à faire le gros dos, à attendre que cela se tasse,
  • la troisième enfin, plus exigeante, s’efforce de calmer le jeu, de positiver, d’élever le débat.

C’est dans ce contexte que la bienveillance fait une entrée remarquée dans le monde du travail. Passade ou véritable lame de fond ?

Avant, nous pensions que pour réussir il fallait être cynique et égoïste. Or, de nombreuses études ont démontré que la bienveillance est un état d’esprit bénéfique tant pour la santé des travailleurs que pour la réussite des entreprises. Dès lors, plutôt que d’appliquer l’ Art de la guerre enseigné dans les écoles de management et plébiscité par de nombreux leaders et gurus, ne serait-il pas plus rentable d’ériger la bienveillance en nouvel art de (bien) vivre au travail et dans la vie privée.

Au cours de ma longue carrière dans le secteur privé, j’ai connu toutes sortes de « patrons ». Des despotes éclairés aux « liquidateurs», des dandies aux financiers, des sanguins aux pantins … Je ne suis même pas sûre de pouvoir encore les nommer tous. C’est qu’en 30 ans, j’en ai vu défiler …

Mais l’un d’entre eux m’a clairement marqué car c’était un modèle d’humanité et de bienveillance à l’égard de tous : des ouvriers aux cadres, sans discrimination d’âge, de sexe ou de couleur de peau. Il avait un mot aimable et un sourire pour chaque personne qu’il croisait dans les couloirs de l’entreprise. Il était sensible aux problèmes des uns et des autres malgré un emploi du temps fort chargé.  Tant et si bien qu’il a su insuffler un climat de confiance et de coopération, même en période de crise. Il a su rassembler, amener chacun à donner le meilleur de lui-même chaque fois que c’était nécessaire. Un véritable leader charismatique qui donnait envie de se surpasser. J’ai pu alors expérimenter à quel point la bienveillance est une force extraordinaire.

Certes, la bienveillance suscite des réactions en tous sens. Car il ne faut pas la confondre avec l’insouciance, la naïveté ou un paternalisme de bon aloi. La bienveillance est un véritable travail sur soi, une exigence de tous les instants, qui commence par le dirigeant de l’entreprise et percole à tous les niveaux de l’entreprise. La bienveillance force à examiner chaque situation avec assez de recul et d’indulgence pour en tirer le meilleur pour soi et pour les autres.

« La bienveillance est un effort. Nous avons tous une part de nous, rationnelle, qui voudrait en faire preuve… et une autre, émotionnelle, qui n’y parvient pas toujours, analyse Éric Albert. Surtout en période de stress. Si l’entreprise ne contraint pas ses collaborateurs à avoir un comportement bienveillant, chacun se contentera de faire le minimum. Voire s’autorisera la dose d’agressivité ou de violence admise par le système. Au pire, les plus toxiques imposeront leur règle.

Il y a deux écueils à éviter. Le premier est de proposer un modèle identique pour tout le monde. En effet, si nous avons tous des progrès à faire pour être davantage bienveillants, nous ne partons pas du même point. (…)  Le second est d’imposer une norme sociale qui pousserait les individus à avoir des comportements lisses, hypocrites. Si, par exemple, il est demandé de ne pas critiquer le travail des autres, le risque est que plus personne n’ose rien dire et ne donne jamais vraiment son avis. » (source : Psychologies)

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(…) la bienveillance c’est, avant tout, compter sur la personne dans un monde économique qui restera, qu’on le veuille ou non, dur et compétitif. Elle a le pouvoir de libérer les énergies et les talents, de favoriser l’engagement de tous vers un effort commun. Elle porte la marque d’un leadership intelligent. (source : Les Echos)

La bienveillance : de l’action personnelle à la culture d’entreprise

On peut supposer que la vaste majorité des gens sont de bonne volonté et ont le désir de bâtir un monde meilleur. Ce but peut être accompli grâce à la bienveillance. Si nous avons plus de considération pour l’autre, nous mettrons en place une économie solidaire, nous ferons de notre mieux pour remédier aux inégalités et promouvoir ainsi une meilleure harmonie dans la société. Nous ferons tout ce qu’il faut pour ne pas outrepasser les « limites planétaires » au sein de laquelle l’humanité et le reste de la biosphère pourraient continuer à prospérer.
Nous sommes tous dans le même bateau, nous sommes fondamentalement interdépendants et nous avons donc besoin de rehausser le niveau de notre coopération et de notre solidarité. (Source : Mathieu Ricard – Huffingtonpost)

Au-delà de l’intérêt que représente la bienveillance pour les personnes, elle joue aussi un rôle essentiel dans la lutte contre le mal-être qui touche de plus en plus de travailleurs, entraînant dans son sillage absentéisme, dépressions, démotivation et toutes les formes de burn-out, bore-out, brown-out.  Ce triste cortège donne une très mauvaise image de l’entreprise et plombe les bilans sociaux, voire financiers. Il est temps de réagir !

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5 actes individuels de bienveillance

Pour passer de la réflexion à l’action, voici quelques gestes de bienveillance tout simples à intégrer dès aujourd’hui dans votre vie professionnelle et personnelle :

  1. Sourire à la vie.
    Démarrez la journée du bon pied avec un petit mot gentil pour vos proches, pour vos collègues. Pas un bonjour du bout des lèvres, un vrai (bon)jour chaleureux.
    Puis égrenez au fil des heures d’autres gestes ou paroles sympas … Bref, positivez !
  2. Complimenter en public, critiquer en privé.
    Rien de tel pour faire rayonner une personne que de la féliciter devant ses collègues ; par contre évitez-lui l’affront de la critiquer en public, faites le en privé …  Bref, respectez-la !
  3. Se (re)connecter au monde.
    La nature est riche et belle. Puisez-y calme et inspiration. Avant de prendre une décision ou avant une réunion difficile, prenez le temps de marcher quelques minutes, de regarder le ciel, de humer le parfum des fleurs ou des arbres. Vous serez d’autant plus concentré et efficace. Et puis, se relaxer aide à relativiser les problèmes !
  4. Créer un environnement agréable
    Aménagez votre lieu de travail à votre guise. Vous y passez de nombreuses heures. Entourez-vous de plantes, de tableaux, d’objets chargés de sens, de souvenirs. Ce sera votre bouffée d’oxygène lorsque les temps seront plus durs.
  5. Cultiver le positif.
    Lorsque les temps sont difficiles, recherchez les « bonnes vibrations ». Fuyez les situations et les personnes toxiques.  Dans chaque circonstance, il y a toujours du positif. Trouvez-le !

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5 bonnes pratiques de bienveillance en entreprise

Quelle que soit la taille de votre entreprise, vous ne travaillez pas seul. Vous avez des partenaires ou des associés, des collaborateurs, des clients, des fournisseurs, … La pratique d’un management bienveillant améliorera le fonctionnement de l’entreprise en instaurant une culture du dialogue, en valorisant l’expertise de chacun, en assurant la transparence dans la prise de décision et dans la communication. Ici aussi, vous pouvez commencer par des actions simples et rapides :

  1. Pratiquer l’empathie
    Rester à l’écoute, participer et faire corps avec ses équipes et ses partenaires dans les coups durs.
  2. Instaurer des règles de respect sur le lieu de travail
    Cela va sans dire, mais c’est encore mieux en le formalisant. Les règles sont ainsi les mêmes pour tout le monde dans tous les lieux (atelier, open space, salle de réunion).
  3. Responsabiliser et favoriser l’autonomie de chacun.
    La bienveillance implique aussi d’accepter que chacun soit autonome et responsable de ses actes. Il est encouragé à prendre des initiatives mais il en assume les conséquences. Cela va bien sûr de pair avec le droit à l’erreur. Pour soi et pour ses collaborateurs.
  4. Vivre la bienveillance.
    Il ne suffit pas d’accrocher quelques posters au mur. La bienveillance se vit au quotidien et par tous. Elle se perçoit dans le regard, dans la main tendue, dans l’atmosphère détendue.
  5. Communiquer et motiver
    Le management bienveillant privilégie la transparence d’un discours sans tabous, où chacun peut s’exprimer librement (en réunion, lors des entretiens d’évaluation, etc.)

À lire : Les 10 commandements de la bienveillance en entreprise

Pour aller plus loin

Deux livres et une infographie.

 

Être un manager bienveillant (infographie)